Propos d’un trialiste …

… ceux de Michel DELANDE qui nous fait part de ses réflexions sur le trial …

Bonjour,

je suis directeur d’une école de commerce et accessoirement (!!!) trialiste passionné depuis 35 ans. Je suis avec intéret le débat sur le non-stop depuis le début. Je suis comme toute personne sensée et qui accepte que le monde évolue, écœuré de ce que je vois.

Mon plaisir, quand le boulot me laissait enfin quelques libertés le soir, était de foncer sur les deux sites majeurs qui nous permettent de nous évader un peu avec le trial.

Dégouté une première fois lorsque le FIM a voulu faire payer les sites gratuits pour diffuser les vidéos. Du jour au lendemain, plus que des vidéos de moins d’une minute. Top pour faire connaitre le trial et vivre la communauté des fans! En échange on a droit au clip FIM, genre 2min30, dont 1 minute de présentation et 1 minute de podium et générique… Eh les gars prenez des cours de communication ! Clip sans intérêt, sans la tension et l’émotion que génère le sport de haut niveau …

Au delà de tout cela, je suis profondément triste de voir ce que devient ce sport magnifique qu’est le trial.

Et (déformation pro) je suis également surpris que personne ne prenne en compte le vrai problème : ce n’est ni le pilote, ni le constructeur qui est important c’est le “client”, c’est à dire le spectateur.

Le plus beau sport du monde réalisé par des virtuoses, s’il est fait dans son garage n’attirera jamais ni les jeunes, ni les sponsor, ni la notoriété… Les constructeurs ont besoin de notoriété du sport pour vendre, les importateurs et concessionnaires aussi. Les pilotes ont besoin d’argent pour vivre et faire leur “job”. Les clubs ont besoin de sponsors… Tout cela passe par la notoriété du sport.

Et pourtant le trial a tout pour être médiatique.

Des pilotes réalisant des choses exceptionnelles, du vrai grand spectacle, un sport mécanique peu bruyant et peu polluant, ne nécessitant qu’un espace réduit pour la pratique.

Ayons un peu un raisonnement marketing, passons de la bourre qu’on se tire entre potes le WE chacun dans son coin, à une vision tournée vers le spectacle.

L’important c’est le spectateur pour faire vivre un sport.

Première réflexion : en tant que spectateur, le non-stop m’emm….

Voir des Toni Bou pédaler, passer en vrac à toute vitesse et glander à 0.5 à l’heure dans des inter obstacles qui deviennent pour l’occasion plats, ne fait rêver personne.

Certes je me dis “ah il roule un peu comme comme moi!”. Mais plus de rêve, quand il y a un beau passage c’est trop vite on le rate à chaque fois.

Avant, le pilote se plaçait devant l’obstacle, le regardait, se concentrait. On pouvait avoir un gros plan sr son visage et voir l’intensité “dramatique” monter… On retenait son souffle… C’était ça le spectacle.

On avait dit que c’était plus dynamique. Ah ! J’avoue que le néophyte qui viens voir un course s’éclate de voir des pilotes rouler à plat comme des escargots et après faire de l’enduro sur les obstacles !

On est à mille lieux de l’esprit du trial.

Pour moi le trial c’est la liberté. Le but c’est de franchir les difficultés naturelles de la façon la plus aérienne possible, avec grâce et finesse, laissant le plus faible impact écologique. Donc pourquoi foutre un p…. de cadre où on étouffe ?

Pourquoi ne pas avoir le droit de tout faire pendant 1 minute 30 (recul, arrêt, déplacement, sauts en arrière…). Au moins c’est un vrai bonheur pour les commissaires et c’est clair pour les spectateurs.

Deuxième réflexion concernant le public : le sport qui n’a pas une règle simple, compréhensible par tout le monde désintéresse. Comment expliquer au néophyte que ce super passage a pris 5 parce que le pilote s’est arrêté 0.75 seconde, alors que l’autre à pris 2 parce qu’il s’est arrêté 0.6 seconde ?

Troisième réflexion : il faut vendre du rêve, c’est ça qui nous fait avancer, il faut s’identifier aux champions, avoir envie de pratiquer. C’est ça qui donne envie aux sponsors d’associer leur image.

On nous avait déjà fait le coup du non-stop il y a quelques années. elCa ne marche pas, laissons le aux motos anciennes.

Comment peut-on ignorer une évidence aussi “évidente” : le non-stop n’existe pas (ou alors faut faire de la vitesse). Dès lors on parle de micro-stop. Et à partir de là où se situe la frontière ? Les commissaires ne sont pas des chronomètres.

Cela fait rêver qui de voir des world pro déplacer par petits coups minables sur du plat ? Ça on sait faire. Par contre de les voir placer leur roue 1 cm et demi à coté sur l’arrête ultime d’un obstacle ça c’est du grand spectacle!

Tout sport qui tient la route met en premier sa communication. Il faut valoriser les sites qui font un boulot extraordinaire comme planetetrial.com, avoir un spécialiste de la production des vidéos et de la négociation des droits avec les chaines, en adaptant le format des vidéos à leurs critères.

J’ai la chance d’avoir un étudiant qui est responsable de la production et des droits TV pour le FISE (festival international des sports extrêmes). Ils ont tout compris, la médiatisation du sport avant tout. Le reste suit naturellement.

Quelle communication quand il y a une épreuve ? Quasiment aucune si ce n’est dans le petit monde des passionnés.

Pilotes écœurés qui vont voir ailleurs, commissaires dégoutés, spectateurs frustrés, club et concessionnaires asphyxiés …

Que dire quand on voit des pilotes avec le talent de Loris se retrouver privés de mondial ? Il (et beaucoup d’autres comme lui) a sacrifié énormément pour arriver à son niveau… tout ça pour quelle reconnaissance ? C’est un terrible gâchis.

Un énorme bravo à Bruno Camozzi qui s’est battu depuis le début, et à tous les autres qui ont fait de même ou qui ont eu l’intelligence de changer d’opinion.

Arrêtons de changer les règles et préoccupons nous du “client”, le spectateur, qui veut rêver, voir du grand spectacle, être tenu en haleine par la diffusion d’un championnat en entier.

On se prend tous à regarder des sports à la télé que l’on affectionne pas particulièrement, mais comme ils sont diffusés en entier, on entre dans l’émotion, on se trouve un favori, on a le cœur qui bat pour qu’il gagne, on stresse avec lui quand il est en difficulté … et on regarde la totalité du reportage, et du suivant. Et on prend gout à ce sport.

Quid dans le trial ? Rien ! Même pas une vidéo d’une course en entier nulle part.

Nul doute que le souhait de la FIM était de gagner de l’argent en faisant payer pour voir ses propres vidéos. Il serait intéressant de savoir combien ils ont réellement gagné avec cela. Qui paye pour voir leur vidéos ? Interdire les vidéos sur les sites pour “vendre’’” des droits à des chaines payantes que presque personne ne regarde est sans intérêt.

Il faut accepter de diffuser gratuitement pour accrocher un public et éventuellement pouvoir vendre après. Mais le trial a besoin de reconquérir un public avant tout. Le reste suivra naturellement : jeunes intéressés, augmentation des ventes et des licenciés, intérêt des sponsors …

Et par pitié, laissons encore de la liberté dans ce sport qui est né d’un pur esprit de liberté.

Quand j’ai vu les premiers déplacements de roue je me suis acharné pour y arriver. Quand le jump est apparu pareil. Quand je vois les jeunes rebondir sur la roue arrière avec facilité, certes ça fait râler, mais ça donne envie de travailler encore et encore pour y arriver un peu. Et quand enfin tu arrives à faire 3 ou 4 rebonds tu es trop content. C’est ça le rêève. Pas de voir des gars rouler sur des motos modernes en appliquant les techniques de grand père.

Voilà j’ai beaucoup observé et attendu avant de dire tout cela, mais il est temps de sauver notre passion.

Michel D.